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  • Les développeurs ont la parole, Vol. 10 : Pikmin 4 – Chapitre 1


    18/07/2023

    Les développeurs ont la parole, Vol. 10 : Pikmin 4 – Chapitre 1

    Certaines des images et vidéos présentées dans cette interview ont été créées lors du développement.

    Le contenu de cet article a été publié à l'origine en japonais.

    Dans ce dixième épisode de Les développeurs ont la parole, une série d'interviews au cours desquelles les développeurs de Nintendo expliquent avec leurs mots ce qu'ils pensent de la création des produits et des points précis qui leur tiennent à cœur, nous accueillons les développeurs à l'origine de Pikmin 4, sur Nintendo Switch, qui sortira le vendredi 21 juillet.

     

    Chapitre 1 : les fans de Pikmin 1 face aux fans de Pikmin 2

    Avant de commencer, précisons qu'en plus des développeurs de Pikmin 4, nous avons cette fois fait venir aussi en invités spéciaux des développeurs des premiers jeux de la série Pikmin. Et ma toute première question va porter sur les débuts de cette série. Est-ce que c'est lorsque M. Miyamoto en a proposé le concept que la série Pikmin a commencé ?

    Miyamoto:
    Si je me souviens bien, M. Hino et M. Abe ont au départ proposé de nombreuses idées en tant que directeurs, n'est-ce pas ?


    Hino:
    En effet, M. Abe et moi-même en étions les directeurs, à l'époque. Nous avons commencé à discuter de ce projet au moment de la transition entre la Super NES (1) et la Nintendo 64 (2), et nous avions très envie d'exploiter les capacités de cette console à afficher un grand nombre de personnages à l'écran.

    (1) Super NES : console de jeux vidéo de salon lancée en 1992 en Europe, qui a succédé à la Nintendo Entertainment System.

    (2) Nintendo 64 : console de jeux vidéo de salon lancée en 1996 au Japon et aux États-Unis, et en 1997 en Europe. C'était la première console de salon de Nintendo capable d’afficher de larges environnements en 3D. La manette était équipée d'un stick de commande 3D qui permettait aux personnages contrôlés par les joueurs de se déplacer librement dans des espaces en 3D.


    Abe:
    M. Hino avait à l'origine une formation artistique, alors il gérait la conception des personnages et la création du monde, tandis que pour ma part, j'étais en charge des mécaniques de jeu et de la conception des niveaux. Au départ, ce projet n'était pas censé être un jeu d'action, en fait.


    Hino:
    Oui, c'est exact. Nous avions alors pour idée un jeu qui contrôlerait un grand nombre de personnages grâce à l'IA. Dans notre esprit, le jeu devait comporter des créatures ayant dans la tête une puce IA qui les ferait penser d'une certaine façon, et vous les contrôleriez en changeant cette puce. Les joueurs auraient donc commandé les créatures leur assignant des « puces de pensée » pour différentes actions : combattre, soigner, aider ses amis... Et leur choix de puces aurait augmenté à mesure qu'ils exploreraient la carte et gagneraient de l'expérience. Autrement dit, les créatures seraient progressivement devenues plus intelligentes. En même temps, nous avons ajouté des traits de personnalité comme « grognon » ou « peureux », via des « puces d'émotion ». Selon la puce d'émotion assignée à un personnage, il n'aurait pas la même réaction et déciderait d'attaquer ou de se défendre, par exemple. Nous avons mené diverses expériences sur des prototypes de ce genre avec M. Kando.


    Kando:
    J'étais un tout jeune programmeur à l'époque, c'était ma première année dans ce métier. Après être entré chez Nintendo, j'ai été assigné à cette équipe et j'ai reçu de M. Hino un mystérieux cahier des charges, de façon totalement inattendue. (Rires) Je me suis donc consacré à des expérimentations pour voir quel genre d'actions je pouvais appliquer à un grand nombre de personnages contrôlés par l'IA.


    Morii:
    J'ai rejoint l'équipe comme concepteur à peu près un an après M. Kando. À ce moment-là, le jeu fourmillait déjà de petites créatures.


    Hino:
    Notre idée à l'époque était d'avoir une vision aérienne sur ce qui se passait en jeu, alors nous avions fait en sorte qu'on puisse identifier le genre et la personnalité de chaque personnage à partir de ce qu'il ou elle portait sur la tête.

    CI_AskTheDeveloperVol10_InsertedImage_01_EN.jpg

    Ouah… Ça semble radicalement différent des Pikmin que nous connaissons tous.

    Hino:
    Cela fait un peu penser à un Yoshi, vous ne trouvez pas ? (Rires) Mais nous avons trouvé que comme personnage, ce n'était pas assez marquant.


    Miyamoto:
    Il y a aussi eu des discussions pour aboutir à un type de personnage que les adolescentes trouveraient mignon, c'est bien ça ?


    Abe:
    Oui. M. Morii a donc dessiné une pile de croquis, et c'est ce concept qui a été retenu à l'unanimité.

    Voilà qui ressemble d'un coup beaucoup plus aux Pikmin dont nous avons l'habitude. Je remarque que le fait qu'il porte un signe distinctif sur la tête est resté fidèle au concept initial.

    Morii:
    Je ne me souviens plus pourquoi nous lui avons mis une feuille sur la tête... mais comme le personnage est minuscule, je me suis peut-être dit qu'il fallait quelque chose pour qu'on le repère bien visuellement.


    Miyamoto:
    J'ai bizarrement été très attiré par ce concept. L'idée d'avoir des plantes qui marchent me plaisait. Nous nous disions : « Ce serait chouette si cette créature absorbait de l'eau par la feuille sur sa tête. »

    CI_AskTheDeveloperVol10_InsertedImage_03.jpg

    Y a-t-il une source d'inspiration particulière qui a influencé ce concept ?

    Morii:
    À l’époque, j'aimais particulièrement l'univers de Tim Burton (3), alors je voulais des designs non seulement mignons, mais aussi étranges, avec un certain poids émotionnel. C'est pour cela que j'ai dessiné mes esquisses de cette façon, dans un style où les lignes griffonnées se superposent.

    (3) Réalisateur et producteur de films américain. Il a pour spécialité de dépeindre des univers étranges, mais avec des aspects comiques.

    Hino:
    Jusque-là, les jeux Nintendo étaient fortement associés aux designs vifs et colorés des séries Super Mario et The Legend of Zelda. C'est ce qui m'a incité à tenter cette démarche audacieuse de dépeindre un monde mystérieux, plus sombre et plus adulte. Du coup, nous nous sommes dit : « On va regarder un film ensemble, pour chercher de l'inspiration ! » et notre choix s’est tourné vers un film d'animation intitulé « La Planète sauvage » (4). Nous avions tous l'air décontenancé, en le regardant. (Rires)

    (4) Film d'animation sorti en France en 1973, utilisant une méthode de production appelée « cut-out ». Au Japon et aux États-Unis, il est sorti sous le titre « Fantastic Planet » (« La planète fantastique »).


    Ce film que vous mentionnez semble inoubliable par bien des aspects, du genre à vous donner des cauchemars. Vous y avez donc puisé de l'inspiration pour les Pikmin ?

    Hino:
    Comme nous cherchions à créer un jeu tournant autour de créatures vivantes, nous avons aussi lu un livre de Richard Dawkins, intitulé « The Selfish Gene » (« Le Gène égoïste »).


    Miyamoto:
    Oh, je ne suis pas sûr de l'avoir lu.


    Hino:
    Ma foi, il contenait plein d'informations sur l'étrange écologie des êtres vivants, alors je l'ai lu pour alimenter mon imagination. Mais c'était trop difficile pour moi, je n'ai pas tout compris... (Rires)


    Miyamoto:
    Pour trouver l'inspiration, nous avons regardé toutes sortes de films, notamment des films indépendants européens ou des films d'art et d'essai que l'on ne risquait pas de trouver dans la plupart des vidéoclubs. C'était une période intéressante, où il y avait beaucoup de cinéma expérimental qui faisait appel à divers modes d'expression innovants, notamment des films qui superposaient délibérément les mêmes images de façon répétée.


    Kando:
    En parlant d'expression à l'écran : quand nous avons commencé à développer le jeu pour la Nintendo 64, nous avons rendu la présence de nombreux personnages en combinant des éléments en 2D semblables à des panneaux d'affichage pour créer les personnages, ce qui allégeait la charge du processeur. Quand le jeu a changé de plateforme pour passer sur Nintendo GameCube (5), nous avons enfin pu exprimer chaque personnage individuellement sous forme de modèle 3D.

    (5) Nintendo GameCube : console de jeux vidéo de salon lancée en 2001 au Japon et aux États-Unis, et en 2002 en Europe. Elle s'est principalement caractérisée par sa forme cubique et par l'adoption de disques optiques de 8 cm comme supports pour les logiciels.


    Miyamoto:
    Au tout début de la Nintendo GameCube, j'ai aussi travaillé avec une autre équipe sur différentes expériences dans le cadre du projet Mario 128, pour voir ce qui se passerait si nous réunissions plus de 100 versions d'un même personnage.


    Mario 128 est la démo technique présentée lors de l'annonce de la GameCube, c'est bien cela ?

    Kando:
    Nous n'étions pas au courant de l'existence de Mario 128, alors on ne peut pas vraiment dire que ce projet a influencé Pikmin en termes de planification ou de technologie, mais beaucoup d'idées nouvelles ont vu le jour grâce à la capacité de la GameCube à déplacer un grand nombre de personnages, ce que ne permettait pas la Nintendo 64.


    Abe:
    Une fois le concept de base établi, l'équipe de conception du jeu a expérimenté tour à tour de nombreuses idées au fur et à mesure qu'ils découvraient comment rendre amusant et intéressant le fait de contrôler ces créatures. Nous avons par exemple essayé de leur faire former des équipes pour se lancer des balles ou combattre. Mais nous n'arrivions pas tout à fait à voir comment en faire un jeu intéressant.


    Hino:
    À l'époque, quand nous avons créé la mécanique de jeu où vous lancez ces personnages sur l'ennemi comme des missiles, M. Miyamoto nous a demandé : « Et que se passe-t-il après les avoir lancés ? » Je lui ai donc répondu qu'ils encercleraient l'ennemi et se mettraient à le frapper. Il a rétorqué : « Est-ce qu'ils peuvent s'accrocher à l'ennemi, quand on les lance sur lui ? Je me demande ce qui pourrait se passer s'ils s’accrochent au dos de l'ennemi, ou à un de ses points faibles. »


    Miyamoto:
    Ah oui, je m'en souviens. L’équipe a donc expérimenté le fait de les faire s’agripper aux ennemis, et tout le monde s'est enthousiasmé du résultat : « Oh, je les ai lancés et ils s’accrochent ! » (Rires) Par ailleurs, nous avons pensé qu’il serait satisfaisant de pouvoir transporter et rapporter chez soi un ennemi vaincu. Nous avons donc fait que les créatures transportent la carcasse de l'ennemi, et ça nous a donné l'impression de voir des fourmis transporter une cigale. Et une fois encore, ça a été un grand succès auprès de tout le monde. (Rires)


    Hino:
    Diverses idées ont été progressivement ajoutées : si une créature s'accroche au dos d'un ennemi, par exemple, elle peut l'attaquer, tandis que si elle s'accroche à sa bouche, elle se fait dévorer.


    Miyamoto:
    Et même quand une créature se fait dévorer par un ennemi, nous avons eu d'autre idées, comme faire en sorte qu'elle ne se fasse pas gober tout rond, mais plutôt qu'elle se retrouve aspirée dans la bouche de l'ennemi, qui se met alors à la mâcher. (Rires) Et c'est comme ça que nous avons finalement ajouté des cris en audio, et l'effet visuel de fantôme qui s'envole, pour illustrer son agonie jusqu'au bout.


    Images tirées de Pikmin 1+2 sur Nintendo Switch.


    Hino:
    Au final, nous nous sommes mis d'accord sur une boucle de gameplay dans laquelle le nombre des créatures augmente à mesure qu'elles rapportent dans leur base les ennemis qu’elles ont vaincu. Mais juste avant d'aboutir au produit final, M. Miyamoto lui-même semblait un peu hésitant et a dit : « Je ne sais pas. Je me demande si c'est vraiment une bonne idée de faire que le nombre des créatures augmente à chaque ennemi tué. Ce n'est pas un peu... excessif ? » Mais nous avons fait pression pour garder cette mécanique, et dit : « Au point où nous en sommes, autant aller jusqu'au bout ! » (Rires)

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    Miyamoto:
    Pendant un court moment, je me suis demandé si c'était vraiment une bonne idée d'en faire des charognards. (Rires)

    Mais après tout, c'est un peu comme ça que fonctionne une chaîne alimentaire, dans la nature.

    Hino:
    Créer un écosystème réaliste n'était pas notre objectif principal, mais nous avions bien l'intention de donner à ces créatures un petit côté sombre pour ne pas se limiter à un aspect mignon. Un peu comme si le joueur observait un univers réaliste en vue aérienne. Et quand on voit les ennemis, nombre d'entre eux ont un aspect mystérieux qui semble crédible et qui pourrait exister quelque part dans la nature.


    Images tirées de Pikmin 1+2 sur Nintendo Switch.


    Miyamoto:
    Cet univers regorge de créatures uniques, n'est-ce pas ? Je crois que les designers ont joué un rôle très actif dans l'élaboration de ce jeu. Je ne veux toutefois pas dire que nous avons donné la priorité à la direction artistique, mais plutôt que la conception des éléments du jeu s'est basée sur les actions que les Pikmin allaient devoir effectuer, une approche assez typique chez Nintendo.


    Hino:
    Et même si la conception des personnages et du monde était décidée, ainsi que les actions comme lancer, s’accrocher et transporter, il nous a encore fallu un moment pour finaliser la boucle de gameplay. Il y avait divers éléments encore un peu fluctuants et nous n'arrivions pas à vraiment les combiner et à décider ce que les personnages allaient devoir faire au juste ou ce qui constituerait l'objectif à atteindre pour « terminer le jeu ». Néanmoins, dans son esprit, M. Miyamoto avait l'intention d'annoncer Pikmin à l'E3 (6) en 2001, lorsque les jeux pour la GameCube allaient être dévoilés.

    (6) Abréviation de « Electronic Entertainment Expo ». Un salon international du jeu vidéo à Los Angeles, en Californie (États-Unis).


    Miyamoto:
    C’est ainsi qu’en tant que producteur du jeu, je suis allé plaider auprès de M. Abe : « Je vais rejoindre l'équipe comme directeur, accordez-moi trois mois. Si ça rate, je démissionne. » (Rires)


    Kando:
    Et c'est là que M. Miyamoto a réussi à rassembler toutes nos idées éparses, presque sans en abandonner aucune, dans un unique diagramme décrivant le déroulement du jeu. Par ailleurs, les Pikmin étaient à cette époque appelés « Piki » ou « Pikki », c'est donc le nom que vous pouvez voir sur ce document.

    Ouah ! C’est... vraiment intéressant.

    Hino:
    Ça commence avec l'action de jeter ces personnages de l'équipe pour leur donner des ordres. L'objectif est de rapporter l'objet jusqu'à la base. Mais le but n'est pas d'amener un certain nombre de Pikmin jusqu'à destination, le principe du jeu est en fait de rassembler suffisamment de Pikmin pour pouvoir transporter les objets. Il nous a par ailleurs indiqué à quoi allaient servir les ennemis et les plantes, comment une journée en jeu allait se dérouler, la biologie des Pikmin, et les mécanismes qui permettent aux Pikmin de grandir en nombre.


    Miyamoto:
    Au tout début, l'objectif était de conduire les Piki jusqu'à la sortie. Mais je n'aimais pas cette idée d'un objectif défini hors du contexte du jeu : « Vous terminerez le jeu si vous réussissez à amener 50 Piki jusqu'au point d'arrivée ». Je veux dire, qu'est-ce qui justifie qu’il en faudrait 50 ? En revanche, se dire « Il en faut X pour transporter un objet » me paraissait être une règle qui avait plus de sens. Si vous voulez transporter quelque chose qui a l'air lourd, il vous faudra davantage de Pikmin. C'est un concept que tout le monde peut comprendre de façon intuitive. Et c'est comme ça que j'ai commencé à envisager le jeu en termes d'efficacité dans les actions à entreprendre, telles que combattre des ennemis, transporter des objets ou encore agrandir son équipe.

    Donc, ce diagramme nous montre où se situe chaque élément dans le jeu.

    Miyamoto:
    Au premier abord, ce diagramme semble juste regrouper une multitude de phrases énigmatiques reliées les unes aux autres, mais si vous suivez attentivement les phrases une à une, vous pouvez comprendre tout le déroulement du programme rien qu'à partir de cette feuille. Autrement dit, il ne se passera rien d'autre que ce qui est écrit ici. C'est quelque chose que l'on retrouve à chaque fois, dans le développement d'un jeu. On veut faire ceci, et puis on veut faire cela, et on se retrouve au final avec une floppée d'éléments nouveaux. Le directeur répond alors : « Eh bien... il va falloir qu'on trouve un moyen de faire tenir tout ça ensemble ! » et prend les jambes à son cou. (Rires)


    Tout le monde :

    (Rires)


    Miyamoto:
    Ce diagramme, c'est aussi en quelque sorte une déclaration que l'on ne fera rien de plus que ce qui est consigné là-dedans ! Si on ne se fixe pas des limites, il est impossible de développer quoi que ce soit quand il y a autant de gens impliqués dans un projet. Je me suis dit qu'il valait mieux que je les définisse moi-même avant de donner des instructions à tout le monde. J'ai donc rédigé tout ça en discutant avec M. Kando de divers aspects comme la façon dont l'IA fonctionnait dans la console, la capacité du processeur à traiter chaque chose et, si ce n'était pas le cas, si on pouvait remplacer ce qui posait problème par une autre mécanique de jeu.


    Kando:
    Ce n'est qu'après avoir vu ce diagramme que j'ai finalement été convaincu que tout ça pouvait fonctionner en tant que jeu.

    À propos, les Pikmin étaient donc à l'origine des « Piki », comme il est indiqué ici, c'est bien ça ?

    Abe:
    Pendant le développement, alors que nous comptions ces personnages, nous avons utilisé le terme « ippiki ». (En japonais, ce terme « ippiki » signifie « un petit animal ».) M. Reed (7), qui travaillait avec nous sur le programme, nous a entendus compter ces créatures et en a déduit par erreur que nous les appelions des « Piki ». (Rires)

    (7) Colin Reed. Un programmeur qui faisait partie du département autrefois intitulé Entertainment Analysis & Development chez Nintendo. Il a notamment contribué au développement de titres tels que Star Fox sur la console Super Famicom et Metroid Prime Hunters sur Nintendo DS.

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    Je vois, il a cru que le compteur « piki » était en fait leur nom. (Rires) À d'autres endroits, je vois que c'est écrit « Pikki ».

    Abe:
    En effet. « Piki » a d'abord évolué en « Pikki », et quand le nom officiel de ces créatures a été choisi, nous avons finalement décidé de les baptiser « Pikmin ». Nous avons trouvé que ça faisait un peu penser à « pick me » (« cueillez-moi » en anglais).


    Miyamoto:
    Et ça sonnait aussi comme « vitamine », une association qui nous a paru positive. (Rires)

    Je vois. Et donc, une fois ce diagramme réalisé, tout s'est parfaitement mis en place.

    Hino:
    Environ deux mois après ça, nous avons annoncé le jeu à l'E3. Mais en fait, nous avons apporté des corrections à la bande-annonce qui présentait le jeu jusqu'à la dernière minute. M. Miyamoto nous demandait de modifier les séquences de jeu, en disant « il faut corriger cette partie du script », et nous faisions rapidement les ajustements nécessaires. Et les modifications se succédaient, encore et encore. (Rires) M. Miyamoto est parti avec la version que nous venions d'achever au tout dernier moment, et l'a emportée en bagage à main à bord de l'avion pour Los Angeles.


    Miyamoto:
    À l'E3, j'en ai parlé comme si le jeu était terminé. (Rires)


    Hino:
    J'ai trouvé la présentation épatante. (Rires)

    Lorsque Pikmin a été annoncé, j’avais l'impression que son développement touchait à sa fin.

    Morii:
    À ce moment-là, un seul niveau était prêt si je me souviens bien. De plus, il avait été agencé spécialement pour cette présentation. (Rires)

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    Miyamoto:
    Pour ma défense, j'avais fait cette annonce parce que je croyais qu'on y arriverait. (Rires) J'étais certain qu'on finirait le jeu.

    Pour en revenir à notre discussion sur la boucle de gameplay, il me semble que le terme « Dandori » (8) est utilisé dans Pikmin 4. Cette boucle de gameplay que vous appelez « Dandori », était-elle déjà établie pendant le développement du premier Pikmin ?

    (8) Mot japonais qui signifie « penser à la planification et à l'efficacité à l'avance pour que les choses se passent sans problème. »


    Miyamoto:
    Pour faire simple, l'idée m'est venue alors que j’observais des fourmis dans mon jardin... mais mettre tout ça en pratique a été un peu plus compliqué. Même avant la sortie de Pikmin, il existait déjà toutes sortes de simulations sur PC dans lesquelles il fallait, par exemple, choisir entre manger des grains de riz ou les planter pour en récolter d'autres. J'ai toujours voulu créer ce genre de gameplay, avec une dimension de gestion. Par exemple, si vous êtes manager dans une entreprise, vous devez décider à qui assigner telle ou telle tâche pour qu'elle soit accomplie. Imaginez que vous ayez un petit projet et un autre plus gros, qui demande plus de main d'œuvre. Si vous réussissez à les mener tous les deux à bien de manière efficace, vous ressentez un sentiment d'accomplissement. Je me suis dit qu'il serait intéressant d'exploiter ce concept dans un monde riche et peuplé d'une multitude de personnages contrôlés par une IA.


    Abe:
    Pendant le développement de Pikmin et de Pikmin 2, on appelait ça un « jeu de gestion de tâches » en interne, c’est bien ça ?


    Hino:
    On n'arrivait pas à trouver la description exacte pour le genre de jeu qui décrirait précisément le produit, c'est pourquoi on parlait de « jeu d'action avec IA ».


    Miyamoto:
    Ces jeux sont amusants parce qu'on est constamment dans une logique de tâtonnement. On associe souvent Pikmin surtout à ses personnages et à son univers, mais en tant que jeu vidéo, il offre un plaisir de jeu fondamental. À force de répéter les mêmes actions en jeu, on en vient à développer nos propres techniques, ce qui augmente notre efficacité et permet d'obtenir des scores plus élevés.

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    Il est amusant de recommencer les niveaux et de battre son propre record, n’est-ce pas ?

    Miyamoto:
    Certains joueurs du premier titre ont même visé de faire une partie parfaite, sans qu'un seul Pikmin ne meure. Ça vaut 10/10 en maîtrise de jeu. Même moi je ne m'y risquerais pas, c'est trop difficile. (Rires)


    Hino:
    Il faut aussi dire que le premier opus comportait une limite de temps. Les joueurs devaient terminer leur missions en moins de 30 jours dans le jeu. S'ils n'y parvenaient pas, ils devaient recommencer depuis le début, ce qui pouvait décourager certaines personnes. C'est pour cela que nous nous sommes débarrassé des limites de temps dans Pikmin 2 et que nous avons ajouté de nouveaux types de Pikmin et des trésors. Nous avons également créé un catalogue et fait en sorte que le but du jeu soit de récupérer ces trésors petit à petit.


    Kando:
    C'est ainsi que le style de jeu est passé de « gestion du temps » à « gestion des types ».


    Miyamoto:
    Et c'est l'orientation prise dans Pikmin 2. Mais nous avons beaucoup discuté de la direction à prendre dans Pikmin 3. Le premier jeu proposait un défi plus relevé, alors que le deuxième proposait davantage de contenu. Les joueurs ont beaucoup débattu sur le jeu qu'ils préféraient, et certains se déclaraient même « fan de Pikmin 1 » ou « fan de Pikmin 2 ».


    Kando:
    Au début du développement du troisième opus, nous avons organisé une petite compétition avec plusieurs programmeurs pour voir combien de pièces du vaisseau spatial on pouvait récupérer en un seul jour dans le niveau « La Forêt de l’Espoir » du premier jeu. Nous sommes parvenus à la conclusion qu'un défi plus intense présentait davantage d'intérêt qu'une large gamme de contenu. C'est la raison pour laquelle Pikmin 3 se rapproche plus de Pikmin 1.


    Hino:
    Nous avons ajouté un « mode Mission » en plus du jeu principal, pour permettre aux joueurs d'affiner leur technique pour terminer le jeu principal de manière plus efficace. Je crois que c'est à ce moment-là que nous avons commencé à utiliser le terme « Dandori » pour parler du gameplay. C'est bien cela ?


    Kando:
    En effet. Nous nous sommes rendu compte que les jeux de gestion de tâche offrent un sentiment d'accomplissement que même les personnes qui ne jouent pas peuvent éprouver. C'est un peu comme avec les tâches ménagères ou la cuisine. Une fois qu'on est habitué à une tâche, on commence à raisonner en « Dandori » et on gagne en efficacité. Je pense que cette évolution dans la manière de voir les choses est amusante.

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    C'est ce qui vous a amenés à le décrire comme un jeu « Dandori ». Je vois que chacun des titres de cette série a été pensé dans le but de faire ressortir le côté amusant de la gestion.

    Miyamoto:
    Quand j'y repense aujourd'hui, je crois que les développeurs ont toujours eu l'intention de revenir vers le premier jeu. Cela dit, après la sortie de Pikmin 3, qui prenait déjà la direction de Pikmin 1, certaines personnes ont dit qu'elles préféraient le deuxième opus. (Rires)


    Kando:
    C'est la raison pour laquelle, après y avoir beaucoup réfléchi et pendant longtemps, nous avons décidé que le quatrième jeu serait fait pour des personnes aux goûts variés. Les avis étaient extrêmement divergents quant à savoir comment doit être un jeu Pikmin entre les joueurs qui aimaient le style de Pikmin 1 et ceux qui préféraient celui de Pikmin 2. Peut-être que Pikmin 4 mettra un terme au débat entre les « fans de Pikmin 1 » et les « fans de Pikmin 2 ». (Rires)