5. En symbiose

Suzuki :

Si nous réalisions un jeu normal, nous nous creuserions la tête pour trouver des idées du début à la fin, mais, avec Street View, c'était comme si nous avions tout dès le début.

Iwata Asks
Iwata :

Je crois qu'un service conçu comme un outil peut se transformer en quelque chose de nouveau grâce à la console de loisirs qu'est la Wii U. Un nombre croissant de personnes s'y intéresseront et il est possible que la façon dont nous considérons les cartes change.

Kawai :

Et nous découvrirons des façons d'utiliser Street View auxquelles nous n'aurions jamais pensé. Nous pourrons jouer à cache-cache dans Londres, disputer une partie de golf à St Andrews24 ou décoller du Kennedy Space Center ! (rires) Nous pouvons imaginer tant de choses.24. St Andrews : ville de la région de Fife, en Écosse, que l'on qualifie souvent de « berceau du golf ».

Iwata :

C'est bien vrai ! (rires)

Suzuki :

Lorsque nous avons réalisé cette présentation et lorsque nous en avons parlé, nous avons reçu de nombreuses idées sur place. Et nous voulions toutes les mettre en œuvre ! (rires)

Iwata :

Ohashi-san, étant donné que vous travailliez sur l'interface utilisateur, qu'avez-vous pensé de toutes ces idées intéressantes qui fusaient sous vos yeux ?

Ohashi :

J'étais concentré sur mon travail. Les gens qui m'entouraient avaient beau me dire : « Ce que tu fais est incroyable, » je ne relâchais pas mon attention et je continuais.

Tous :

(rires)

Suzuki :

Je suis toujours dans les jambes d'Ohashi-san, et je lui ai mis la pression.

Ohashi :

Non, non ! (rires)

Iwata :

Lorsque vous réalisez une présentation comme ça, vous avez un objectif et vous pouvez progresser en une séance. L'équipe semble vraiment dedans. Il n'y pas d'hésitations et vous ne vous posez plus de questions telles que : « Que doit-on faire ? » Au contraire, vous ne voyez que les éléments que vous savez être en mesure d'améliorer si vous y travaillez d'une certaine façon. Vous pouvez voir ce qu'il faut faire pour les améliorer, et plus vous avancez rapidement, plus vous voyez les résultats.

Takahashi :

Au début du projet, lors des discussions sur la planification, de nombreuses personnes ne pensaient pas que ce serait intéressant, mais dès que vous le voyez fonctionner, vous êtes vraiment pris dedans.

Kawai :

Je comprends tout à fait. Chez Google, nous avons un dicton pour ça : « Une démo vaut 100 discussions. »

Iwata :

(rires) En d'autres termes : « Faites-moi voir ça ! » ou je me trompe ? Lorsqu'il s'agit du ressenti sur un projet, vous avez beau le présenter de manière intéressante, rien n'est garanti, l'équipe n'étant pas toujours assez solide. Vous devez le voir tourner pour prendre une décision. Certaines équipes disent qu'elles régleront les problèmes ensuite, mais, très souvent, les équipes reportent tout jusqu'à ce qu'il soit trop tard. (rires)

Kawai :

Vous êtes dur ! (rires)

Takahashi :

Lorsque nous avons présenté le projet, il y avait certains points que nous voulions mener à bien. Nous avons pu faire la démonstration à Google parce que nous pensions pouvoir y arriver. Nous ne comptions pas progresser par étapes, tel que : « Pour l'instant, faisons dans le temporaire. »

Kawai :

C'était fantastique que vous ayez agi ainsi ! (rires)

Iwata :

Personnellement, je savais avant la présentation chez Google que vous pouviez y parvenir sur le plan technologique, mais je n'étais pas sûr que vous pouviez en faire un service. Sans l'aide de Google, ce projet était impossible. J'ai le sentiment que cette présentation nous a tous permis d'avancer dans la bonne direction.

Suzuki :

Oui. Cela se sentait chez les développeurs.

Iwata :

Vous avez participé à différents projets et vous avez collaboré avec de nombreux partenaires extérieurs, mais vous étiez en véritable symbiose cette fois, non ?

Iwata Asks
Suzuki :

C'était la première fois dans toute ma carrière que tout le monde me félicitait en voyant la démonstration.

Iwata :

En tant que développeur, pourquoi pensez-vous que cela a été accepté du premier coup et que vous étiez en symbiose ?

Suzuki :

Je pense qu'il y a plusieurs raisons, la principale étant peut-être le pouvoir des images. J'avais entendu cet argument pour Touch! Generations25. Le lien avec les joueurs était important, mais, dans ce cas, il ne s'agit plus des graphismes générés par ordinateur tels que nous les connaissons. Votre maison, votre ville ou tout endroit où vous êtes allé est visible en photo comme si vous y étiez et cela crée un lien. Il existait une limite jusqu'alors, mais c'est parfaitement compatible avec Wii U et nous avons pu nous en affranchir d'un seul coup.25. Touch! Generations : série de logiciels Nintendo comprenant des titres tels que le Programme d'Entrainement Cérébral du Dr Kawashima: Quel âge a votre cerveau ?, English Training : Progressez en anglais sans stresser (commercialisé uniquement en Europe et au Japon) et Art Academy : Apprenez pas à pas les techniques de la peinture et du dessin, auxquels tout le monde peut joueur sans expérience ou connaissance du jeu.

Iwata :

Quand vous les regardez via la Wii U, ces photographies, un média que pourtant tout le monde connaît, vous vont droit au cœur. Takahashi-san, qu'en pensez-vous ?

Takahashi :

Eh bien, en écoutant cette conversation, la raison principale est selon moi que Google et Nintendo partagent une même valeur fondamentale, à savoir que pour que quelque chose soit utile, il doit avoir un écho avec le plus grand nombre.

Iwata :

Nous sommes très semblables. En entendant le résumé de la présentation, je me suis rendu compte que les employés de Google aiment également s'amuser.

Kawai :

Nous avons ressenti la même chose à votre égard ! (rires)

Iwata Asks
Iwata :

Dans le cas de Nintendo, nous avons toujours pensé nos appareils comme des réceptacles pour lesquels nous fournirions des divertissements. Prenez cette idée à l'envers par exemple. Si nos utilisateurs ne ressentent aucune empathie pour nos appareils, ils n'auront jamais aucun succès. C'est parce que, dans une optique très réduite, le divertissement n'a aucune utilité. (rires) Il doit sonner juste dès le départ, et c'est pour cette raison que nous mettons l'accent sur l'UI. En règle générale, les gens n'aiment pas ce qui est ennuyeux et nous intégrons des idées pour éviter cela.

Kawai :

Je comprends.

Iwata :

Ensuite, lorsque cela provoque une réaction chez les gens, nous observons un regain d'empathie, une sorte de récompense pour nous, et nous pouvons continuer. Vous êtes comme nous dans ce sens.

Kawai :

Vous avez raison. Dans le cas des produits Google, si nous n'essayons pas sans relâche de les rendre encore plus intéressants et plus pratiques, rien ne nous dit que les utilisateurs reviendront. Nous vivons toujours une sorte de crise.

Iwata :

Cela signifie-t-il que même si vous proposez un produit utile, vous avez peur que les gens s'en lassent ?

Kawai :

Oui. Prenons le cas de Google Maps : si vous ne l'utilisez pas, il existe toujours des cartes papier très pratiques et vous avez une flopée d'autres alternatives. Il faut que les gens comparent notre offre avec des offres alternatives avant de revenir à nous. Je pense donc que nous fonctionnons de la même manière. Nous nous disons : « Je me demande si on ne peut pas améliorer ça, » nous essayons, nous le mettons à la poubelle et nous recommençons.

Iwata :

C'est la même chose ici aussi ! (rires)