1. Qu'y aurait-il de mal à utiliser de simples boutons ?

 

Note de la rédaction :
Les vidéos présentées dans cette entrevue sont extraites de la version japonaise du jeu. En France et en Belgique, le jeu sera disponible en français.

Iwata :

Je vous ai rassemblés aujourd'hui pour parler du jeu Beat the Beat: Rhythm Paradise. Tsunku-san, voilà déjà trois ans que nous nous sommes rencontrés pour une entrevue "Iwata demande" sur Rhythm Paradise1, le titre précédent de la série sorti sur la console Nintendo DS. 1 Rhythm Paradise : jeu de rythme sorti sur la console Nintendo DS en juin 2008 au Japon. C'est le deuxième titre de la série. (Aussi connu sous le nom de Rhythm Tengoku Gold au Japon.)

Tsunku :

Le temps est passé vite.

Iwata :

La série Rhythm Paradise était initialement sortie sur la console Game Boy Advance (au Japon). Grâce à vous, une foule de gens ont pu joueur au titre suivant sur la console Nintendo DS. De l'eau a coulé sous les ponts, mais le temps est enfin venu de proposer un jeu pour la console Wii. J'aimerais commencer par vous demander à tous de vous présenter, en expliquant sur quoi vous avez travaillé sur ce projet, même si Tsunku-san n'a pas vraiment besoin de se re-présenter ! (rires)

Tsunku :

C'est un plaisir d'être ici. Comme sur le titre précédent, je suis le producteur du jeu. Je me suis occupé de la production globale du jeu et de la majorité de la composition des chansons. J'ai aussi particulièrement veillé à ce que le jeu ne s'éloigne pas de son concept principal, c'est-à-dire que ça doit être un "jeu de rythme amusant".

Iwata Asks
Iwata :

Quand cette série a commencé, vous vouliez modifier le sens du rythme des Japonais. On retrouve cette énergie dans ce projet aussi.

Tsunku :

Oui, c'est vraiment ça. Je veux toujours faire travailler les Japonais sur leur rythme, aujourd'hui encore.

Kamada :

Je suis Koji Kamada de TNX2. Enchanté. 2 TNX Inc. : entreprise japonaise de divertissement intégré dont le siège se trouve à Minato Ward, Tokyo. Tsunku-san en est le PDG.

Iwata Asks
Iwata :

C'est la première fois qu'on se rencontre. Ravi de faire votre connaissance.

Kamada :

Je suis responsable son, donc j'ai utilisé les chansons que Tsunku-san avait créées pour leur donner forme en m'inspirant de la théorie du rythme.

Iwata :

Qu'est-ce que cela implique précisément ?

Kamada :

Il y a des mélodies et des rythmes dans les chansons démo que Tsunku-san a créées que l'on ne peut pas pleinement exprimer à travers les notes que l'on retrouve habituellement sur les partitions musicales. On a prêté une attention toute particulière aux sensations créées par ces chansons pour les reproduire le plus fidèlement possible.

Iida :

Bonjour, je suis Hiroshi Iida. Je suis l'assistant de Tsunku-san. Je l'ai aidé à superviser les jeux depuis l'original Rhythm Tengoku 3 pour la console Game Boy Advance jusqu'au nouveau Beat the Beat: Rhythm Paradise, et j'ai aussi fait circuler les informations entre tous les membres de l'équipe à Kyoto et chez TNX. 3 Rhythm Tengoku : jeu de rythme sorti sur la console Game Boy Advance en août 2006 au Japon. C'est le premier titre de la série. Ce jeu n'est pas sorti en dehors du Japon.

Iwata Asks
Iwata :

Iida-san, vous participez depuis le tout premier jeu. Et pour ce projet, vous avez joué un rôle de premier plan pour ce qui est de la communication avec Nintendo. Donc, nous vous devons énormément.

Takeuchi :

Je suis Takeuchi du département Planification & développement logiciel de Nintendo. Je me suis occupé de la direction globale des graphismes pour tout ce qui touchait aux personnages et à l'univers du jeu.

Iwata Asks
Yone :

Je suis Yone, du département Planification & développement logiciel également. J'ai travaillé sur le son, une partie du fond musical, des effets sonores, etc.

Iwata Asks
Masaoka :

Je suis Masaoka, du département Planification & développement logiciel. J'ai aussi été programmeur sur ce projet. J'ai fait toutes sortes de choses, comme proposer des idées et régler le jeu dans ses moindres détails.

Iwata Asks
Iwata :

Très bien, merci. Tsunku-san, le titre précédent, Rhythm Paradise , s'est vendu aux alentours de deux millions d'exemplaires. Le fait de tout reprendre à zéro pour développer le deuxième jeu dans une série qui a connu un tel succès est un fait extrêmement rare. Comment avez-vous réagi lorsque le jeu a commencé à bien se vendre ?

Tsunku :

Je crois que beaucoup de gens ont commencé à jouer à la série avec le jeu précédent. On peut y jouer pendant cinq minutes seulement si on en a envie, ou jouer et rejouer à l'infini, et on peut aussi dire "Laisse-moi jouer une seconde". Ce titre a tous les éléments de base essentiels dans un jeu vidéo. Et il a le rythme, qui est universel, donc je crois que ça peut toucher tout le monde, des plus petits aux plus grands.

Iwata :

Il s'est vraiment bien vendu. Une fois, vous avez évoqué le fait qu'il existe toutes sortes de jeux de musique, mais ils sons frustrants parce qu'on se dit : "Il faut que j'appuie sur un bouton, là ?" J'ai l'impression que vous avez réussi à procurer de meilleures sensations avec ces jeux en plaçant le rythme là où cela avait le plus de sens.

Tsunku :

Si c'est le cas, j'en suis ravi alors.

Iwata :

Et jusqu'ici, les jeux de musique ont tenté de corser les choses en accélérant le tempo, en augmentant le nombre de notes, et en introduisant un timing artificiel, mais cela ne vous semblait pas être un bon choix.

Tsunku :

En effet. Dans cette série, il arrive que les parties difficiles proposent moins de notes ou un tempo plus lent. Les joueurs les plus habiles apprécient cela. Et quand les joueurs les moins expérimentés y arrivent, ils éprouvent une incroyable sensation de réussite.

Iwata :

Dans ce sens, je pense que vous avez partiellement atteint, avec les deux précédents titres, votre ambition qui consistait à améliorer le sens du rythme des Japonais. Qu'est-ce qui vous a motivé pour ce projet ?

Iwata Asks
Tsunku :

Même si cela fait des années que je suis musicien, c'est toujours agréable de créer de nouveaux rythmes. Je me dis : "Maintenant, je veux essayer ce genre de rythme !" Dans le dernier titre, il y avait des actions où il fallait toucher l'écran ou le tapoter, donc pour le jeu Wii, on a concentré nos efforts sur des actions proches des percussions, comme le fait de pousser ou de battre, comme dans le jeu pour Game Boy Advance. Et sur ce jeu, on joue sur l'écran du téléviseur que l'on peut partager avec d'autres, donc on s'est concentrés sur l'idée de donner envie aux membres de la famille de dire : "Laisse-moi essayer !".

Iwata :

Quand on regarde quelqu'un jouer à un jeu de rythme, on se dit : "Mais pourquoi il y arrive pas là ? Je peux le faire, moi !" Mais quand on essaie, on n'y arrive pas forcément. C'est ça qui est amusant.

Tsunku :

Beat the Beat: Rhythm Paradise est particulièrement amusant à jouer à la maison. Quand vous vous trompez, ça fait plaisir à toute la famille. Par exemple, si un couple joue, le garçon, toujours en train de se moquer de sa copine, pourra se rendre compte qu'elle est en fait bien meilleure que lui ! (rires) Et puis, une fois qu'on y a joué trois ou quatre fois, on s'améliore de façon remarquable. C'est un détail qui a son importance.

Iwata Asks
Iwata :

Et si on montre qu'on a progressé, tout le monde est content. Dans ce sens, il était peut-être inévitable que cette série, qui a grandi sur les consoles portables, fasse son entrée sur une console de salon. Takeuchi-san, comment avez-vous développé le potentiel de Beat the Beat: Rhythm Paradise chez Nintendo ?

Takeuchi :

D'abord, on a cherché ce qui serait le mieux adapté pour la série : appuyer sur les boutons de la télécommande Wii ou l'agiter. On a demandé à Masaoka-san de faire un prototype, mais le fait de s'exciter et d'agiter la télécommande Wii nous a fatigués au niveau des mains.

Masaoka :

C'est vrai. Quand on l'agite pendant longtemps, on se fatigue, et ça devient petit à petit épuisant.

Yone :

Le nombre de fois où il faut l'agiter était supérieur à ce qui se faisait dans les autres jeux.

Iwata :

Au début, j'imagine que vous avez pensé que la télécommande Wii était faite pour être agitée, donc vous avez essayé de voir comment faire fonctionner cela avec votre série.

Tsunku :

Oui. Mais si on s'était trop concentrés sur l'agitation de la télécommande Wii, le jeu aurait été impossible à jouer.

Iwata :

Si on la compare à un jeu comme Wii Sports4, cette série demande une énorme quantité d'efforts de la part du joueur par rapport au temps de jeu. Je n'ai en fait jamais considéré la télécommande Wii comme quelque chose qu'il fallait absolument agiter. Ensuite, vous êtes venus me voir en me disant, avec hésitation, que le fait d'utiliser uniquement les boutons fonctionnerait mieux. Et je vous ai répondu : "Qu'y aurait-il de mal à utiliser de simples boutons ?" 4 Wii Sports : jeu de sport comportant cinq disciplines : tennis, golf, bowling, baseball et boxe. Il est sorti en même temps que la console Wii en décembre 2006. La suite, Wii Sports Resort, est sortie en juin 2009 au Japon.

Tsunku :

Ce ne serait pas marrant si des jeux comme ça n'existaient pas.

Takeuchi :

Pour ce titre, on n'utilise que les boutons, et les graphismes sont en 2D. Je suis désolé. (rires)

Iwata Asks
Iwata :

Ce n'est pas grave ! (rires) Cela va clairement à l'encontre de la direction générale des jeux vidéo qui sortent actuellement, mais cela permet de le différencier encore mieux.

Masaoka :

On a fait des essais avec les modèles 3D, mais les graphismes en 2D réagissaient plus rapidement quand on appuyait sur les boutons, ce qui nous a permis de faire des mouvements encore plus dynamiques.

Yone :

Parfois, les graphismes peuvent sonner faux s'ils sont trop réalistes.

Iwata :

Par exemple, si vous appuyez sur un bouton pour donner un coup de poing, il y a un laps de temps pendant lequel le bras se déplace depuis sa position de départ pour allonger le coup de poing. Des graphismes plus réalistes auraient eu l'air bizarre ici. Mais avec des graphismes quelque peu abstraits, ça passe, car nos sens veulent bien l'accepter. Donc, vous êtes passés par toute une phase de tâtonnements pour en arriver au jeu tel qu'il est aujourd'hui.