3. Une réunion à 5 h du matin

Si nous nous sommes tant amusés vers la fin du jeu, c’est… (désigne l’équipe Retro Studios sur l’écran) Vous voyez comme le tableau blanc derrière eux est vide à présent ?

Oui.

Pendant le développement, tous les noms des niveaux y étaient écrits. Nous avons adopté un système d’évaluation du statut des niveaux avec des symboles tels que des ○, des △ ou des × en les essayant encore et encore jusqu’à ce qu’ils aient tous obtenu un ◎. Ainsi, celui qui était chargé d’un niveau sans ◎ s’appliquait vraiment afin d’obtenir un ◎.

Un système d’évaluation ouvert ?

Oui.

C’est strict ! (rires)

(rires)

Toutes sortes d’idées ont commencé à surgir pour améliorer les niveaux. Kynan-san dirigeait cette partie, alors il a peut-être des commentaires à ajouter.

Kynan-san, en ce qui concerne la conception des niveaux, n’était-il pas difficile d’améliorer l’ensemble du jeu à l’aide d’une méthode mettant en évidence les bons et les mauvais endroits ?

(acquiesce d’un signe de tête)

(rires)

Comme l’a dit Tanabe-san, nous essayions sans cesse de transformer un △ en ○ et un ○ en ◎. Ce n’était pas seulement difficile. En fait, je trouve que le système permettait une bonne progression : quand une bonne idée survenait, cela nous motivait pour trouver une idée encore meilleure. Voici une anecdote au sujet de la

(rires)

Alors nous avons décidé de refaire le niveau Falaise. Nous voulions faire une surprise aux autres membres de l’équipe, et nous nous sommes amusés en le retravaillant.

Dans l’équipe, c’était un peu la compétition, nous échangions nos avis, motivés par la volonté de nous surprendre les uns les autres. C’était amusant de voir les réactions des uns et des autres. C’était comme jouer à un jeu et nous nous sommes amusés tout en travaillant.

Vous dites que vous vous êtes bien amusés et je pense que cela transparaît dans le jeu. Même si vous êtes tout souriants tous les trois aujourd’hui, j’imagine qu’il y a bien dû y avoir des désaccords.

Non, tous les trois, nous n’avons jamais été vraiment en désaccord. Pour Tanabe-san, c’est une autre histoire en revanche. (rires)

Moi ? (rires)

(rires)

Et pour Tabata-san ?

Quoi ? Moi ? (rires)

Vers la fin du développement, j’avais mal au bas du dos et j’ai dû prendre une semaine de congé. Pendant ce temps, Tabata-san m’a remplacé, et par la suite, j’ai fait en sorte qu’elle continue de jouer un rôle important dans la direction de l’équipe. Donc, dans les pires moments, vers la fin du développement, je pense que les requêtes les plus exigeantes émanaient d’elle.

Oui, je pense aussi ! (rires)

Désolée, je crois que j’ai été assez dure avec vous. (rires)

(rires) Vous pouvez me donner un exemple ?

Par exemple, il y a un ennemi couvert de touffes de poils. Nous en avons empilé cinq les uns sur les autres. Quand Donkey Kong s’approche, ils tombent vers lui et Donkey Kong peut les piétiner. Mais quand j’ai montré ce que j’avais fait à Tabata-san, elle a dit : « Ce n’est pas ce que j’ai en tête ».

Au départ, il n’y avait aucun élément tactique.

Nous l’avons refait et lui avons montré et remontré, mais elle disait toujours qu’il fallait retravailler. L’aspect technique était important et avant que je ne m’en rende compte, cet endroit était devenu aussi compliqué à réaliser qu’un boss !

Ohhh… Désolée.

Pas de souci !

(rires)

À la fin, nous avons fait en sorte que

Je voulais faire frémir le joueur : si vous ne vous approchez pas suffisamment d’eux, rien ne se passe, mais si vous vous approchez trop près et si vous n’êtes pas assez rapide, vous êtes cuit.

Je vois. Vous voulez ajouter quelque chose, Tom-san ?

Je réalisais les séquences qui se produisent une fois que vous avez battu un boss.

Ohhh… Désolée…

Pas de souci. Mais à chaque fois que je réglais quelque chose, je craignais un peu de provoquer un nouveau bug. (rires)

Cette fois, je pense qu’elle s’est montrée plus stricte que j’ai pu l’être.

Non, non, ce n’est pas vrai ! (rires) Tout le monde a entendu parler de « chabudai gaeshi » (littéralement « retourner la table à thé »), soit le style de travail de Miyamoto-san. Avec Tanabe-san, je dirais qu’il s’agissait plus de la faire légèrement pencher.

Pas la retourner, mais juste l’incliner. (rires)

(rires)

Oui. Il fait pencher la table, et toutes sortes de choses commencent à tomber. Mais Tanabe-san les retient, il rattrape un jus d’orange avant qu’il ne tombe par terre et l’échange subrepticement avec un sandwich par exemple. (rires)

C’est une image amusante ! (rires)

Ensuite, quand il repose la table, tout est complètement différent.

Hmm… Tom-san a dit que Tanabe-san avait légèrement fait pencher la table, mais je pense que c’était plus fort que ça.

(rires)

Une autre difficulté était liée au décalage horaire. Vers la fin du développement, nous travaillions souvent toute la nuit pour finir avec une conférence téléphonique vers 5 h du matin ici au Texas. Nous étions épuisés. Tabata-san était en pleine forme, elle, car il était environ midi au Japon.

(rires)

Elle était enthousiaste et enjouée, tout en formulant des requêtes très difficiles afin que nous apportions des modifications.

(rires)

Bien sûr, ces changements visaient à améliorer le jeu, mais pour nous, il était 5 h du matin et je me disais : « Pourriez-vous modérer vos propos et ne pas sembler si enthousiaste ? »

OK, je ferai attention la prochaine fois. (rires)

(rires)

Ces échanges ont bel et bien eu lieu. Mais nous avons longtemps travaillé avec Tanabe-san et Tabata-san et nous les considérons davantage comme des membres de notre équipe.

Comme des coéquipiers situés d’un côté et de l’autre de la planète.

Oui. Ils font partie de notre famille.

Merci !